La Gazette de Belgazou

Les Kangourous du "Pré au Jean"

 

 

De nos jours, on raconte encore l'histoire des kangourous du pré au Jean. Ce pré est aujourd'hui une vaste friche entourée d'accacias qui fleurent bon au printemps. Il appartenait à la commune de Tranchenoy, un village de trois cents âmes, en bordure du canal de Bourgogne. Sa dénomination remonte probablement à une période antérieure à la Révolution mais on a depuis longtemps oublié qui était ce Jean et pourquoi ce pré porte encore son prénom.

A la fin des années 70, la commune avait décidé de mettre ce pré en vente. Un Parisien, qui possédait une résidence secondaire à Tranchenoy, s'en porta acquéreur et l'obtint. Il avait conçu le projet de transformer cette friche en parc animalier. Cependant, les habitants du village furent rapidement effrayés de son intention d'y exposer des animaux sauvages. On imaginait déjà les enfants dévorés par quelque lion famélique ou chargés par quelque buffle en mal d'exercice. Aussitôt, un Comité d'Opposition à l'Implantation du Tranch-land se constitua et, bien que le sigle de cette association prêtât à sourire, n'en fut pas moins sérieusement décidé à réagir.

M. Moutard, notre acquéreur, avait baptisé son projet "Tranch-land", tant pour faire honneur à la commune que pour donner à son parc une consonnance américaine susceptible d'attirer un large public populaire. Quoique bonhomme, M. Moutard pouvait se montrer vindicatif quand on le contrariait. Bientôt, les sobriquets fusèrent entre partisans de "Moutarde-me-monte-au-nez" et ceux de "Coïtus interruptus". L'affaire prenait une tournure cocasse et le journal local en fit ses choux gras. Le quotidien régional y consacra même un article. Jusqu'au jour où Monsieur le Préfet dut se prononcer pour ou contre l'autorisation du projet. Pour tenter de concilier les deux parties, il fut décidé que seuls seraient tolérés les animaux sauvages ne présentant aucun risque pour la vie d'autrui ni aucun danger sanitaire. 

Or, Moutard nourrissait une passion insoupçonnée pour les ... kangourous. Il transforma ainsi son projet initial et décida d'héberger des marsupiaux. Le C.O.I.T. se retrouva obligé de faire contre mauvaise fortune bon coeur, et, bien que maugréant à tout venant contre "La Moutarde", ne s'avéra plus capable de mobiliser ses concitoyens contre une faune jugée attrayante pour les enfants.

Quelques mois passèrent, le pré fut métamorphosé, et, un jour, on vit arriver au village un convoi de camions-cages chargés de kangourous. Cet événement mit tout le monde en ébullition. Les enfants trépignaient d'impatience tant leur envie était grande d'observer ces "sauterelles géantes", "ces ventripochants", "ces boxeurs en herbe", pour ne reprendre que quelques uns des surnoms attribués aux néo-arrivants par les membres grincheux de l'ex-comité qui allèrent même jusqu'à lancer l'idée du Gang des Kourous-Moutard.

Enfin, la fièvre se calma et la gent marsupiale put s'acclimater en douceur. Mais, chers lecteurs, comme moi, vous savez que les apparences sont souvent trompeuses et que le calme précède généralement la tempête.

Ces expressions de sagesse populaire n'ont pas été démenties par la suite des événements.

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12/01/2009
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