La Gazette de Belgazou

Le Financier en mal d'enfant

Il était une fois un financier fort riche qui regrettait de n'avoir pas de descendance. Ses affaires l'avaient tant occupé qu'il n'avait jamais eu le temps de se trouver une femme. A dire vrai, quelques unes de ses aventures eussent pu aboutir aux liens sacrés du mariage s'il n'avait totalement négligé d'en formuler la demande. Or, soit qu'on l'appelât à l'autre bout du monde, soit qu'il passât ses jours et ses nuits plongé dans la gestion de ses comptes, notre homme finissait tout bonnement par oublier sa dulcinée et, lorsqu'il s'en souvenait enfin, il s'étonnait que tant de temps se fût écoulé. Toute tentative de rapprochement s'avérait dès lors impossible si bien qu'il perdît au moins cinq occasions de convoler en justes noces.

Le jour vint enfin où il atteignit cinquante ans. Ce matin-là, il reçut une jolie carte d'anniversaire signée "Robin". Elle représentait un visage de Pierrot lunaire dont on n'eût su dire s'il riait ou pleurait. En appuyant sur le renflement central, une musique électronique se mettait en route reproduisant la fameuse berceuse de Chopin.

Et notre financier, étonné, tourna et retourna la carte entre ses mains mais elle ne portait d'autre indice que le nom de Robin; or, il ne connaissait aucune personne portant ce nom ou ce prénom. D'ailleurs, il n'avait que très peu d'amis et sa famille se réduisait à une vieille grand-tante sans descendance non plus. Il se dit qu'il chercherait parmi les nombreux collaborateurs avec lesquels il avait à faire.   

Toute la nuit durant, il se retourna sans son lit. Il se réveillait et, dès qu'il ouvrait les yeux, il entendait la petite musique de la carte d'anniversaire, lancinante, obstinée, tenace. Le lendemain, il partit tôt à son bureau. Un vague soleil voilé de brumes éclairait les tours de la Défense. Il traversa l'esplanade d'un pas rapide et s'engouffra dans le hall de l'immeuble vitreux ou s'affairait déjà toute une panoplie de bureaucrates qui s'écartaient respectueusement sur son passage. Cravates, vestons, souliers vernis, cols blancs, tailleurs, hauts talons, rouge à lèvres, parfums, dossiers, serviettes de cuir, téléphones portables, mains tendues, visages au sourire conventionnel, ... le ballet matinal reprenait son cours avec une orchestration parfaite. A chaque fois, le même salut , « Bonjour Monsieur Dubois », avec quelques variantes selon le poste occupé dans la hiérarchie : « Quelle belle journée ! », « Comment allez-vous ? », « Je n'oublie pas notre dîner d'affaires de ce soir » ...

A u quinzième et dernier étage, l'ascenseur s'arrêta. Mle Laplace accueillit M. Dubois comme à l'accoutumée, poliment et froidement. C'était une vieille fille comme on n'en trouvera sans doute bientôt plus. Classique, avec ce quelque chose d'indéfinissable dans la retenue, une maîtrise parfaite et sans affectation de la conduite à adopter en toute circonstance, sans compter cet indéchiffrable visage où nul jugement ne transparaît. La secrétaire idéale pour les hommes à l'ambition patiente, sans clinquant, qui, dans leur carrière, misent davantage sur le sérieux et le long terme plutôt que sur la poudre aux yeux des illusions éphémères. Dès qu'il fut assis, Mle Laplace lui apporta un café et se tint prête à lui notifier la série des rendez-vous de la journée. Cependant, il lui demanda de laisser toutes les affaires courantes et de se consacrer à la recherche de tout éventuel membre du personnel ayant pour patronyme ou pour prénom "Robin". La vieille fille prit cet ordre sans manifester une quelconque surprise et sans poser aucune question. Une demi-heure pus tard, elle revenait avec un listing complet des deux cent quarante huit employés de la société, du plus bas au plus élevé des échelons. La recherche des patronymes ne lui avait pas pris plus de cinq minutes mais celle des prénoms s'était avérée plus longue. Cependant, non, il n'y avait pas de "Robin"; fallait-il chercher dans les archives parmi les employés retraîtés, démissionnaires, intérimaires, licenciés ou tout bonnement disparus sans laisser d'adresse ? Devait-elle envisager aussi les membres décédés ? Oui, cétait une excellente idée. Et, bien qu'il fût conscient de la somme de travail qu'une telle investigation exigait, M. Dubois encouragea sa secrétaire à explorer les pistes qu'elle venait de suggérer.

Illuminé par un soleil radieux, le ciel se découpait en larges pans d'un bleu soutenu. Ordinairement insensible à ce spectacle, davantage subjugué par les chiffres qu'il manipulait avec talent, le financier se surprit pourtant plus d'une fois à contempler les hauteurs. Il n'avait pas souvenance d'avoir jamais remarqué le ciel. Ce lui fut soudain comme une révélation.

[La suite bientôt ...]

 

Au lecteur,

Pourquoi je ne publie pas la suite ... Il y a, malheureusement, des personnes qui copient et s'approprient ce qui ne leur appartient pas. Ainsi, je me vois obligée de ne publier que la première page de chaque conte que j'écris.

Merci de votre compréhension.



26/10/2008
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